Les premiers vers me trompent.
   És un poeta gris d'un país gris
   en una ciutat grisa amb un gran port.
Je crois reconnaître, embué que je suis par le maigre sommeil, la Barcelone de l'après-guerre, grise dans les poèmes de Joan Margarit comme dans les romans de Juan Marsé.
Non, c'est de Glasgow qu'il s'agit où l'un des plus grands poètes espagnols contemporains s'en fut, comme lecteur d'université, Luis Cernuda.
Et quand je lis :
   S'està dins la penombra, com l'infant
   que antany mirava ploure rere els vidres
je ne puis m'empêcher de songer aux trois premiers vers de "Niño tras un cristal" (Desolación de la quimera) :
   Al caer la tarde, absorto
   Tras el cristal, el niño mira
   Llover [...]
Longtemps, j'ai enseigné aux étudiants la force expressive de ce rejet de l'infinitif qui permet une double lecture du verbe de perception, transitive et intransitive. En regardant pleuvoir, l'enfant voit au delà de la pluie. Son regard divague pour former les contours flous de l'homme qu'il sera :
  L'infant de fa molts anys
  mira com surt el sol darrere els vidres
L'écho, à trente ans de distance des vers de Cernuda dans ceux de Margarit, me conduit à me pencher sur mon enfant qui tète le sein de sa mère et à m'attendrir sur l'avenir qu'il pressent.