L'attachement
Par Michel Bourret Guasteví le mardi 25 septembre 2012, 02:55 - lectures buissonnières - Lien permanent
Il est, paraît-il, une molécule de l'attachement ;
je ne le savais pas, ce livre me l'apprit, au détour
d'une page, en plein cœur de la nuit. L'attachement
est, à l'heure présente, un livre que je t'offris
et que tu m'as prêté après l'avoir lu, d'un trait
fractionné. Je m'en imbibe à petites lampées.
Ouvertes entre le pouce et l'index, ses pages recèlent
ton odeur et leur ivoire tranche avec la blancheur
du drap qui te recouvrait dans cette île où il nourrit
nos propos et suggéra ma lecture cependant que je
te contemplais lisant, craignant d'égratigner ton plaisir
par mon observation émue. À l'examen, aujourd'hui, loin
de notre île, le noir de sa couverture a blanchi d'être
touché, caressé, corné, dans ton sac de couleurs et les pages
ont prématurément jauni, comme a jauni le bandeau virginal
qui l'entourait à l'achat et dont nous avons fait, toi comme moi,
un marque-page voluptueux. Le temps est-il si concentré dans ce
mince volume aux innombrables blancs qu'il s'écoule à la vitesse
de la lumière ? De la naturelle où tu le lus, de l'artificielle
où je le lis. Un chapelet de sentences douces, que je voudrais
retenir et qui nous définissent un peu. Un chapelet oublié,
aussitôt égrené. Mais, qu'importe. Il me féconde et porte ma voix,
à distance, tout tendus que nous sommes, chacun, de nous revoir
bientôt. De l'attachement, nous parlerons de moins en moins mais
il sera de plus en plus en nous. Image fixe de la scène initiale
que nous avons du mal à dater, identifier. Tout simplement parce
que nous la savons répétable à l'envi, jamais ad nauseam. Pourquoi
ai-je choisi de t'en parler seul, cette nuit, cependant que tu dors
sous l'arabesque de notre couette drômoise ? Tout simplement parce
que je sais que demain, mon amour, tu auras en auras la belle nostalgie.