d'une page, en plein cœur de la nuit. L'attachement
est, à l'heure présente, un livre que je t'offris

et que tu m'as prêté après l'avoir lu, d'un trait
fractionné. Je m'en imbibe à petites lampées.

Ouvertes entre le pouce et l'index, ses pages recèlent
ton odeur et leur ivoire tranche avec la blancheur

du drap qui te recouvrait dans cette île où il nourrit
nos propos et suggéra ma lecture cependant que je

te contemplais lisant, craignant d'égratigner ton plaisir
par mon observation émue. À l'examen, aujourd'hui, loin

de notre île, le noir de sa couverture a blanchi d'être
touché, caressé, corné, dans ton sac de couleurs et les pages

ont prématurément jauni, comme a jauni le bandeau virginal
qui l'entourait à l'achat et dont nous avons fait, toi comme moi,

un marque-page voluptueux. Le temps est-il si concentré dans ce
mince volume aux innombrables blancs qu'il s'écoule à la vitesse

de la lumière ? De la naturelle où tu le lus, de l'artificielle
où je le lis. Un chapelet de sentences douces, que je voudrais

retenir et qui nous définissent un peu. Un chapelet oublié,
aussitôt égrené. Mais, qu'importe. Il me féconde et porte ma voix,

à distance, tout tendus que nous sommes, chacun, de nous revoir
bientôt. De l'attachement, nous parlerons de moins en moins mais

il sera de plus en plus en nous. Image fixe de la scène initiale
que nous avons du mal à dater, identifier. Tout simplement parce

que nous la savons répétable à l'envi, jamais ad nauseam. Pourquoi
ai-je choisi de t'en parler seul, cette nuit, cependant que tu dors

sous l'arabesque de notre couette drômoise ? Tout simplement parce
que je sais que demain, mon amour, tu auras en auras la belle nostalgie.