Il n'est pas rare de se souvenir de poèmes par les vers qui les introduisent et l'incipit est une coutume répandue de les intituler... et d'aider à les mémoriser.

   Cette fois-ci, j'aimerais plutôt écrire sur deux vers qui se sont gravés en moi au terme de la lecture d'une belle composition de Pere Gomila publiée sur son blog et dont voici l'intégralité :

Cau una pluja persistent
sobre la pols dels dies.

Ho saps i estrenys, gelós, el liquen
de les hores, com si poguessis
encara retenir la lluïssor
dels seus ulls clars, aquell perfum
del color de la móra
retinguda entre els llavis.

Perceps el vol esquiu, la traïdoria
de l’ocell negre de l’oblit
en el cel del capvespre.

I quan omples la copa
amb el vi de la set,
contemples la ressaca de les fulles
caigudes lentament
del brancatge caduc de la memòria,
com cau la pluja persistent
sobre la pols dels dies.

   En apparence, les deux vers finaux reprennent le distique initial pour donner au poème une circularité parfaite. Le monosyllabe qui les introduit, en jouant de paronymie avec "cau", en revèle cependant le sens profond. Ces trois petites lettres associées en anodine préposition visent à exprimer l'indicible, rassemblant en un poing de sons, toute la bouche de l'amant orphelin, de la sourde consonne vélaire à la bilabiale nasale en passant par la voyelle vélaire médiane. Métaphores et comparaisons s'y fondent ("liquen", "móra", "ocell negre", "vi", "ressaca de les fulles"). Le temps est passé, effaçant la sensualité de l'aimée aux yeux clairs... et la rendant intemporelle, par un mot, un seul.