Les fragments et l'effaceur
Par Michel Bourret Guasteví le mercredi 3 octobre 2012, 01:30 - l'écume des jours - Lien permanent
J'ai reçu, voici peu, d'un bouquiniste marseillais,
un exemplaire des "Fragments d'un discours amoureux"
de Roland Barthes. Le volume, recouvert de papier
un exemplaire des "Fragments d'un discours amoureux"
de Roland Barthes. Le volume, recouvert de papier
cristal est à ma gauche, qui veille sur la justesse
de mes propos. Le livre est beau, à peine jauni, délicat ;
le propriétaire précédent a poussé le soin jusqu'à passer
au blanc ses soulignements, ses annotations, marques
impudiques d'une jeunesse où l'on voyait un manifeste
au détour de chaque phrase. Je ne sais qui il est, ni quelle
force ou quel désespoir insensé l'a poussé à s'en défaire.
Je m'y vois au sortir de l'adolescence, en cette année
mil neuf cent soixante-dix-sept où j'apprenais l'amour
entre ces mêmes lignes, ignorant que le trésor tarderait
tant à se dévoiler. Et voici que, trente-cinq ans plus tard,
par la magie d'un roman neuf, éblouissant, partagé à Minorque,
je redécouvre les Fragments que je relis avant de t'en faire
présent. Comment les liras-tu ? Ne les trouveras-tu pas empesés,
pédants, comme mes vers du cœur de la nuit ? Je ne sais, je ne le
crois pas et crois plutôt que tu m'y découvriras, cheveux longs
et bouclés, souriant éperdu à l'objectif que tu tiendrais en main
trente-cinq années plus tard, une paille, une merveilleuse immensité.
de mes propos. Le livre est beau, à peine jauni, délicat ;
le propriétaire précédent a poussé le soin jusqu'à passer
au blanc ses soulignements, ses annotations, marques
impudiques d'une jeunesse où l'on voyait un manifeste
au détour de chaque phrase. Je ne sais qui il est, ni quelle
force ou quel désespoir insensé l'a poussé à s'en défaire.
Je m'y vois au sortir de l'adolescence, en cette année
mil neuf cent soixante-dix-sept où j'apprenais l'amour
entre ces mêmes lignes, ignorant que le trésor tarderait
tant à se dévoiler. Et voici que, trente-cinq ans plus tard,
par la magie d'un roman neuf, éblouissant, partagé à Minorque,
je redécouvre les Fragments que je relis avant de t'en faire
présent. Comment les liras-tu ? Ne les trouveras-tu pas empesés,
pédants, comme mes vers du cœur de la nuit ? Je ne sais, je ne le
crois pas et crois plutôt que tu m'y découvriras, cheveux longs
et bouclés, souriant éperdu à l'objectif que tu tiendrais en main
trente-cinq années plus tard, une paille, une merveilleuse immensité.