Frontière du vers
Par Michel Bourret Guasteví le vendredi 5 octobre 2012, 05:04 - l'écume des jours - Lien permanent
Il est, en marge du drap blanc, une zone de dangers
où s'égare ma main quand le plaisir se défait.
où s'égare ma main quand le plaisir se défait.
Gravité, abandon. Mes doigts pèsent des tonnes
et le sang les oublie. Les heures coulent, ton souffle
m'imprime son rythme lent et sensuel. Le sommeil, cet absent
merveilleux, me prend enfin. Je suis de ne plus être et tu veilles,
vigie silencieuse ourlée de cils de jais. Soudain une étrangeté
neuve me réveille : je ne sens plus ma main ou, plutôt, je ne la sens
que trop. Quand je tente de la relever, elle est froide et inerte,
d'une insensibilité obsédante, miroir de carton de l'humaine condition.
Seule ta voix tiède et tes mots engourdis sauront me faire revenir
dans le monde des vivants et ma main, enfin réincarnée, écrira ces vers
qu'en ce matin tu lis. Ainsi est la frontière du vers, pareille à ce drap
blanc qui sombre dans l'obscur pour glacer les membres qui s'y sont abîmés.
Le vide, en bout de vers, gèle le mot qui s'y abouche ou lui ouvre des horizons
neufs et le lecteur, mué soudain en jongleur de foire, le fait tournoyer et l'isole.
Je songe aux vers de Luis Cernuda : "Derrière le carreau, l'enfant regarde
tomber la pluie". Délicieux rejet, subtil enjambement, qui dévoile derrière
le regard et l'ennui, tout un monde de possibles... ou le néant absolu. Sa conscience
m'est étrangère et l'enfant n'est plus. Seul le vers, brisé, unique, me crie qu'il fut.
et le sang les oublie. Les heures coulent, ton souffle
m'imprime son rythme lent et sensuel. Le sommeil, cet absent
merveilleux, me prend enfin. Je suis de ne plus être et tu veilles,
vigie silencieuse ourlée de cils de jais. Soudain une étrangeté
neuve me réveille : je ne sens plus ma main ou, plutôt, je ne la sens
que trop. Quand je tente de la relever, elle est froide et inerte,
d'une insensibilité obsédante, miroir de carton de l'humaine condition.
Seule ta voix tiède et tes mots engourdis sauront me faire revenir
dans le monde des vivants et ma main, enfin réincarnée, écrira ces vers
qu'en ce matin tu lis. Ainsi est la frontière du vers, pareille à ce drap
blanc qui sombre dans l'obscur pour glacer les membres qui s'y sont abîmés.
Le vide, en bout de vers, gèle le mot qui s'y abouche ou lui ouvre des horizons
neufs et le lecteur, mué soudain en jongleur de foire, le fait tournoyer et l'isole.
Je songe aux vers de Luis Cernuda : "Derrière le carreau, l'enfant regarde
tomber la pluie". Délicieux rejet, subtil enjambement, qui dévoile derrière
le regard et l'ennui, tout un monde de possibles... ou le néant absolu. Sa conscience
m'est étrangère et l'enfant n'est plus. Seul le vers, brisé, unique, me crie qu'il fut.