Remblais de génie civil envahis
de ronciers et peignés de coquelicots.

Amorce de routes abandonnées où le camion
évidé d'un poissonnier ambulant s'arrête

sans client. Tambour de machine à laver
à demi enseveli par les pluies de l'automne.

Mais j'aime surtout les marges de la ville
pour ce qu'elles m'y attachent plus sûrement

que les grands monuments et les avenues tracées
au cordeau. Les marges de la ville, c'est mon

visage usé dans le miroir du matin avec ses
trois cheveux plus sel que poivre comme disait

mon cher Victor quand il avait huit ans. La maison
le dimanche soir quand il me pèse de faire le ménage.

Les marges de la ville, c'est enfin la ville en devenir,
la ville tentaculaire qui échappe aux plans des promoteurs,

la ville de demain, pied de nez au passé, et l'illusion
persistante que tout me reste ouvert dans cette vallée de larmes.