J'avais plaisir à disparaître derrière l'écriture
étrangère, l'attitude étrange. Ainsi le pensais-je

jusqu'à aujourd'hui, huit heures. Pour mon ami Pere,
j'ai cherché le sens d'un mot de Cadou. Dans les vingt

volumes de mon Littré. Et j'ai vu Cadou caressant la bue,
pardon la cruche, avant que de s'y abreuver. Les mots avaient

son goût et son toucher. Puis je suis revenu à ma traduction
d'Artigau et je me suis revu heureux il y a quelques semaines

à peine. Pour fidèles à l'original qu'ils m'aient alors semblé,
ses vers, dans ma traduction, s'illuminaient de l'amour de Chloé.

Le relire, me relire, c'est me relier à l'amour qui encore me
fait vivre et vibrer. Un amour unique, impensable, feu d'artifice

serein sur la Barceloneta un vingt-trois juin. Et éclairer Cadou
dans la belle traduction qu'en donne Pere, c'est dire au monde

hébété que nous vivons un peu, beaucoup, passionnément après
la mort qui nous efface, en apparence, de la belle surface des choses.