Plus rien ne demeure de la chaleur du jour ni des allées
et venues d'une semaine épuisée. L'air a fraîchi et la voiture

est proche qui bientôt nous accueillera. Tes doigts sont gourds
d'une journée de manutention et tu peines à craquer l'allumette.

J'aime cette cigarette qui nous unit. Elle ne durera pas longtemps.
Cinq ou sept minutes, tout au plus. Je les voudrais éternelles.

Longtemps tu garderas, sur la pulpe de ton index droit, l'arôme
incomparable de ce commerce lent et mesuré. Je t'aime

comme j'aime cette tulipe noire, fleur impossible qui croît
à l'ombre des bougies dans une vieille cave transformée en restaurant.

Nous y connûmes nos premiers reflets dans le regard d'autrui. Le vin blanc
frais y était gouleyant et les minutes avares promettaient la vie.

Les mois ont passé, avec leur cortège de saisons. Des distances ont crû,
se sont multipliées, se sont diversifiées, qui jamais n'entameront notre lien.

Mais là, à cette heure précise, dans le petit village audois, je crois en toi,
comme je crus à ton regard, il y a longtemps déjà, à Vendres, en marge de la mer.