de la conjonction au verbe. Forme de vie
réduite, cantonnée dans l'espace et dans
le temps, la lecture m'obsède, me changeant

en un voyeur que je ne suis guère. J'essaie de
percevoir, à la dérobée, le regard du lecteur,
de la lectrice. Le regard direct est rare, les lunettes

le dévient, grossissant des yeux que le texte absorbe.
Ne vit-on plus dès lors qu'on lit ? Bien peu boivent ou
se restaurent ce faisant. De rares démangeaisons

attirent une main dans les cheveux ou sur les tempes.
Le cou ploie, la force musculaire disparaît. Combien
de nous seraient inconsistants face à un agresseur inopiné.

Non, la vie est ailleurs, que jamais je ne saisirai malgré
mon voyeurisme épisodique. Ouverts pour capter l'entrelacs
noir de chine qui fait sens, les yeux sont des miroirs aveugles.

Pour insignifiants que nous soyons, la lecture nous donne
des bottes de sept lieues, une limousine, une jonque malaise,
et nous y vivons cette autre vie qui féconde nos vies.