Et ma main te caresse et ondoie ; les doigts s'ouvrent
et se resserrent, fermes, jamais cassants. Je longe
l'épine fluviale avec le gras du pouce et je deviens
péniche, remontant sans hâleurs le courant limonneux.
Les autres doigts, eux, sont régates de voiles latines.

Je me fais vendangeur d'après l'été harassant, je pétris
ta peau claire et la transfigure. Sous mes doigts, le sang
de la vigne exulte. Foin des hottes et des comportes. Le moût
ruisselle et j'en suis le caviste. Le Rhône rougit. Je m'enivre.

Et dans ces noces de Cana improvisées, je te veux ma seule invitée.
Tes mains seront coupes à mes lèvres assoiffées et tes cheveux
tenture. Que viennent les serviteurs qui nous feront ombrage.

Mais déjà le sommeil te reprend qui m'envase soudain, la carte
s'efface, laissant à ton tatouage haut le rôle de la Véronique.

Pourrai-je jamais boire un verre de Côtes du Rhône sans y penser toujours ?